Awagami, un savoir-faire ancestral au service de l’impression jet d’encre

Awagami est une maison de fabrication traditionnelle d'un papier japonais que l’on nomme le “washi”. La société familiale a vu le jour en 1952. Elle utilise des techniques vieilles de plus de 700 ans, alliant ainsi tradition et modernité, puisque depuis une douzaine d’années, ces papiers sont déclinés pour devenir des supports photographiques pour les impressions pigmentaires. Pour en savoir plus sur ce fabriquant et sur ses supports singuliers, nous avons rencontré Patrick Borie-Duclaud et son épouse, importateurs officiels des papiers Awagami en France, et dirigeants de la société Taos photographic.
 
 
Comment avez-vous connu les papiers Awagami ?
 
Je suis photographe publicitaire de formation et j’ai créé une galerie à Belle-Île-en-Mer, autour d’un concept de la photographie de paysage en noir et blanc. Je me suis très vite intéressé aux meilleurs procédés d’impression jet d’encre qui existaient et j’ai découvert la piezography. C’est ainsi que j’ai connu Taos photographic, une société importatrice de matériel de tirage. Quand le fondateur est parti à la retraite, j’ai repris son activité et je suis parti aux Etats-Unis pour rencontrer John Cone, l’inventeur de la Piezo ! C’est à ce moment là, qu’il m’a présenté ces papiers japonais fabriqués par Awagami, un support parfait pour ce procédé de tirage en noir et blanc. En rentrant de ce voyage, j’ai demandé à ma femme qui est japonaise, de contacter Awagami. Le contact s’est rapidement établi, et nous avons signé un contrat faisant de nous les importateurs officiels des papiers Awagami en France. Chaque pays a un seul importateur.
Les usines sont à 12000 km d’ici, cela prend deux mois pour faire venir les stocks par bâteau. Il nous arrive de les faire transiter par avion, pour des projets spéciaux et urgents, mais cela multiplie les coûts.
 
Fabrication artisanale du papier Awagami © Patrick Borie-Duclaud
 
 
Comment la maison Awagami en est-elle venu à faire des papiers pour le tirage photographique ?
 
Awagami est une entreprise familiale créée en 1952 par Monsieur Minoru Fujimori, un fabricant de papier washi traditionnel. L’empereur du Japon l’a nommé trésor national, ce sont des artisans élevés au rang de maîtres absolus auxquels on voue un véritable culte, et qui deviennent des icônes. Awagami descend donc de ce savoir-faire précieux et aujourd’hui, c’est son fils Yôichi Fujimori qui est en charge de la société qui compte une soixante de personnes. C’est lui qui a, il y a une dizaine ou une quinzaine d’années, eu la volonté de décliner ces papiers japonais pour le support photographique. Il a voulu moderniser son savoir faire pour les adapter aux imprimantes jet d’encre. À partir d’une fabrication traditionnelle, le support subit un traitement particulier pour l’impression pigmentaire.
 
 
En quoi consiste ce traitement ?
 
En 2018, je me suis rendu à l’usine pour suivre la fabrication du papier pour le projet Contemplation, du photographe bouddhiste Matthieu Ricard présenté à Arles. J’ai suivi, trois semaines durant, le parcours de la production d’une centaine de feuilles faites à la main de 2 x 1,5 mètres en qualité Bizan, haut de gamme.
Pour les tirages jet d’encre, le papier doit respecter une épaisseur maximale afin de pouvoir passer dans les imprimantes. Mais la particularité de cette fabrication, c’est le coating, une couche appliquée sur le support. Sa composition est secrète, elle est essentiellement créée à base de Konjac, qui est une plante qui absorbe l’eau. Cela va permettre à l’encre de ne pas imprégner trop profondément les fibres du papier. Sinon on obtiendrait des images trop “plates” qui manqueraient de contrastes, et surtout qui perdraient en définition.
 
 
Pouvez-vous nous parler des papiers les plus appréciés dans le domaine de la photographie ?
 
Awagami fabrique du papier jet d’encre en 18 qualités. Après les avoir testées, le laboratoire Picto en a sélectionné cinq, dont l’Unryu, qui est pour moi le papier le plus japonisant, avec de grosses fibres apparentes. En japonais, Unryu, signifie “flot de nuages”. Nous avons également le papier Murakumo décliné en deux teintes : la teinte blanche, qui est un blanc légèrement ivoire, et la teinte naturelle qui est plus un sépia léger. Le Murakumo quant à lui est l’un des tout derniers papiers créés par Awagami. Lancé à la Photokina il y a quelques années, il est très résistant, et le plus fin de leur gamme avec ses 42g. Ensuite on a le Kozo blanc à 110g, c’est un papier épais, et enfin le papier Inbe blanc, qui est le plus épais avec ses 125g. Sa caractéristique est qu’il est légèrement vergé. Cela veut dire qu’il y a de fines lignes horizontales visibles par transparence.
 
Fabrication artisanale du papier Awagami © Patrick Borie-Duclaud
 
 
Quels conseils donneriez-vous à un photographe qui souhaite utiliser un support de la gamme Awagami?
 
Ce sont des papiers très particuliers, il faut les manipuler, et voir le rendu à l’impression, c’est essentiel. Le plus sûr est donc de faire des essais. Je conseille de faire tirer un seul et même visuel sur des papiers différents. Il y a également la possibilité de se procurer un book, avec des impressions sur les différents supports en couleur ou en noir et blanc. (https://www.pictoonline.fr/prestation/boutique/echantillon-de-papier).
En règle générale, il y a tout de même quelques conseils à suivre. Je dirais que la couleur naturelle est conseillée pour les photographies en noir et blanc parce qu’il y a cette teinte prononcée qui viendrait parasiter des images en couleur. Et un papier fortement texturé comme l’Unryu, avec des fibres très apparentes, ne s’adaptera pas à la photographie de portrait, ça peut être disgracieux. Mais cela dépend beaucoup de ce que le photographe souhaite en faire et de sa volonté de résultat !
 
 
Quelles sont les propriétés singulières des papiers japonais Awagami?
 
Récolte des fibres © Patrick Borie-Duclaud
 
La particularité de ces papiers, c'est qu’ils sont fondamentalement différents des autres supports. Ils sont faits de fibres que les fabricants de papiers occidentaux n'utilisent pas, comme le kozo (mûrier en japonais), le bambou, le mitsumata, ou encore le chanvre. Les autres fabricants utilisent essentiellement des résineux. Certains commencent à employer d’autres matériaux comme le bambou, le succès de ces papiers japonais n’y est pas pour rien.
Sa fabrication responsable est aussi un atout, car les fibres se récoltent, les plantes ne sont pas détruites. Pour avoir du bois, les fabricants n’ont pas d’autre choix que de le couper, mais avec le kozo, les fibres et les feuilles sont récoltées chaque année grâce à un procédé artisanal extrêmement long et fastidieux. Le bambou, lui est coupé, mais c’est une plante qui pousse très rapidement et qui se renouvelle très vite, on n’est donc pas dans la destruction. Les usines sont basées dans la région de tokushima, où l’eau est extraordinairement pure, c’est une zone où il y a donc beaucoup de fabricants de papiers washi. C’est cette eau qui est à la base de la fabrication de ce papier.
Enfin, les papiers Awagami sont des feuilles uniques ! Il n’y en a pas deux qui se ressemblent. C’est un papier qui a une âme, qui est l’héritage de centaines d’années de savoir-faire.
 
Fabrication artisanale du papier Awagami © Patrick Borie-Duclaud
 
 
Le support photographique dédié à la collection doit pouvoir assurer une bonne résistance au vieillissement. Comment les papiers Awagami évoluent-ils dans le temps ?
 
En terme de durabilité, les papiers washi ont une extraordinaire durée de vie. Par exemple les estampes d’Hokusai (18ème siècle) sont toujours présentées dans les musées.
Les couleurs sont éclatantes, elles ne fanent pas. C’est très résistant.
 
 
 
 
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