Rencontre avec Michel Vaissaud, Directeur de production de PICTO.

Vous êtes l’une des personnalités qui font vivre aujourd’hui PICTO, comment avez-vous rejoint cette aventure ?
 
Jeune, j’étais plutôt bon élève, mais avec une fibre artistique : je me suis orienté assez tôt vers le dessin et la photographie et j’ai réalisé mes premières photo et mes premiers tirages en colonie de vacances. Au moment de décider de mon métier, je me suis orienté naturellement vers la photographie et j’ai intégré l’école Louis-Lumière à Paris. Mais à la sortie, j’avais l'impression d’avoir davantage appris la technique que l'artistique... Je voulais aller plus loin. J’avais la possibilité de tenter l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs avec une entrée directe en 3e année, j’ai donc passé le concours et j’ai été pris en photographie. J’avais un mémoire à rendre, que je souhaitais faire sur le trucage des images. Je me suis souvenu  que, durant ma formation à Vaugirard , nous avions eu la chance de visiter le laboratoire PICTO. J’avais été impressionné par le discours de son PDG  de l’époque, Edy Gassmann. C’était un visionnaire : il parlait déjà d’image numérique, qu’on appelait alors “l’imagerie électronique”, de tables de montage... Nous étions en 1979, c’était le tout début de la retouche électronique. Il fallait que j'accède à cette technologie qui me passionnait, et pour finaliser mon mémoire. J’ai donc postulé chez PICTO et je me suis fait embaucher en 1985.
 
Comment avez-vous impulsé l’entrée des technologies numériques chez PICTO ? 
 
J’ai débuté  au labo de la Rue Delambre ou j’étais en charge des internégatifs. Très vite j’ai commencé à faire du tirage. Un soir, Edy Gassmann a organisé une réunion de service. J’étais le petit jeune de l’équipe et il m’a demandé ce que je souhaitais faire. Je lui ai demandé où il en était en matière de traitement  électronique de l’image. Il m’a demandé si ça m’intéressait et je me suis retrouvé missionné pour faire une étude sur le premier service numérique de PICTO ! J’ai suivi des formations, notamment chez Siemens (Heidelberg), en Angleterre, en Allemagne et aux Etats-unis, étudié le marché, puis j’ai rendu mon rapport. Ma stratégie était simple : démarrer avec du business graphique dans un premier temps, puis avec des tables de montage dans un second temps. On était en 1987, nous lancions PICTO Synthèse, qui faisait du shoot, du business graphique vectoriel — en 256 couleurs parmi 16,7 millions ! — le reste en multiposes. Derrière, très rapidement, Edy m’a nommé  patron du laboratoire du Front de Seine. Philippe Gassmann, son fils, a rejoint PICTO dans les années 90 et a donné une impulsion supplémentaire avec l’étude du projet d’intégration des tables de montage électronique. Ensuite, tout c’est mis en place : le shoot permettait de faire du tirage haute définition, puis nous avons fait rentrer les premiers imageurs Lightjet, les Lambdas, les imprimantes Iris, les traceurs Encad, les Macs... Edy m’a ensuite confié la responsabilité du développement numérique en 1995 et j’ai développé le numérique de chaque antenne.
 
Comment PICTO se distingue depuis trois générations ?
 
La première spécificité de PICTO, c’est qu’il est un acteur historique du marché avec près de 70 ans de pratique du tirage photo professionnel pour les photographes et les annonceurs. Son autre spécificité, c’est sa dimension artisanale. Même avec la transition vers le numérique, nous avons conservé les métiers du labo et l’argentique. Nous avons formé les équipes au numérique, et rares sont ceux qui sont issus du numérique “pur jus”. Cette démarche a bien sûr été plus longue et pas toujours facile, mais nous avons toujours privilégié les équipes formées à la relation avec le photographe. C’est ce que traduisait d’ailleurs notre signature dans les années 2000 : “ Voir avec le regard de l’autre” : nos tireurs ont toujours été capables d’anticiper la réaction du client face à un tirage, donc ils corrigent sans avoir besoin d’en parler avec lui. Enfin, nous avons su nous adapter aux attentes de nos clients. Quand nous avons lancé PICTO Online, nous avons créé un nouveau niveau de prestation. Avant, il y avait le tirage professionnel, réalisé selon les consignes du client avec des opérateurs et des tireurs dans le cadre d’une prestation “laboratoire-juge”. Avec les bonnes consignes, le client avait un tirage, à un prix. A l’autre bout, il y avait le tirage exposition réalisé avec le client dans le cadre d’une une prestation “client-juge”. C’est le client qui décidait, à un prix plus élevé. Dans les années 95, avec les tirages réalisés sur imageurs et imprimantes pigmentaires, les photographes ont eu besoin d’une prestation de tirage mais pas forcément d’être accompagnés. Ils étaient capables de maîtriser leur fichier. La logique du tirage professionnel n’était plus adaptée. Le tirage direct s’est mis en place assez rapidement et PICTO s’est positionné à un niveau de prestation adapté, au juste prix. PICTO Online a été lancé en juin 2007 avec le tirage Frontier, Lambda et les finitions. En 2010, nous avons ajouté toutes les imprimantes qu’on utilisait : jet d’encre pigmentaire, UV, latex, et les finitions qui allaient avec. Un photographe professionnel pouvait préparer ses fichiers, faire ses tests — nous avons été les premiers à proposer nos profils ICC — et obtenir le meilleur tirage au juste prix, dans les règles de l’Art.
 
Comment PICTO peut demeurer leader dans un secteur qui fait face à des mutations majeures ? 
 
En perpétuant une tradition. L’une des forces de PICTO, c’est sa capacité à mutualiser les équipes et les outils modernes et traditionnels. Entre le tirage professionnel et PICTO Online, on utilise les mêmes consommables, les mêmes chimies, les mêmes imageurs. C’est quelque chose que les autres ne font pas. PICTO travaille avec des grands photographes comme William Klein, Josef Koudelka, Valérie Belin…   Tous les clients Online utilisent les mêmes outils que ceux employés pour les photographes de renom. Leur tirage va souvent sortir sur la même planche d’impression que les tirages de nos clients Offline. Nous sommes capables d’offrir le meilleur des deux mondes : la tradition et le voir-faire, associés à la modernité des outils numériques. Notre autre atout, c’est notre appellation “Professionnel”. Elle est véritable chez PICTO : nous disposons de tireurs professionnels qui sont capables d’apporter l’interprétation, l’accompagnement, la complicité avec le photographe. Pour PICTO Online, il s’agit de tirage direct, sans intervention de nos tireurs mais imprimés dans les règles de l’Art . Et si le client a besoin d’assistance, nous pouvons l’accompagner. Nous le faisons depuis près de 70 ans et nous le faisons plutôt bien. C’est sans doute aussi pour ça que nous avons été reconnus en tant qu’Entreprise du Patrimoine Vivant...
 
 
Portrait : © Marine Ferrante